Puisque les porteurs d’idées et les entrepreneurs sont issus de tous les milieux, Yump veut donner une chance pour tous et propose alors une formation gratuite de six mois dédiée aux porteurs de projet d’entreprise à potentiel de croissance issus des quartiers.
- Pouvez-vous vous présenter et présenter Yump?
Serge Malik est un entrepreneur dans le champ culturel : Internet, édition de livres, production audiovisuelle et commissariat d’art (art contemporain et art urbain), cofondateur de Sos Racisme et de Yump France.
Serge Malik et Tomas Fellbom font, en mai 2011 un voyage en Suède, avec pour objectif de repérer des projets innovants exportables. C’est ainsi qu’ils font la rencontre de Yump, alors à l’état de projet. L’idée est très excitante et assez nouvelle : sensibiliser, détecter, sélectionner et former – sur mesure -, des porteurs de projet d’entreprise issus des quartiers populaires et ainsi, favoriser la création d’activité, vecteur d’égalité des chances.
A leur retour de Suède, Serge Malik et Tomas Fellbom, peu après rejoints – en août 2011 -, par Alexander Keiller, décident de s’en inspirer, tant dans l’intention (lutte contre les discriminations), que dans le contenu pédagogique qu’ils ont souhaité compléter. Ils y intègrent une formation qualifiée de “nomade” puisqu’elle consiste dans des résidences en entreprise où se tiennent des ateliers, des conférences et des séances d’intelligence collective, chez les partenaires privés de l’association.
L’intention: Yump est d’abord créé pour participer à la lutte contre les discriminations envers les minorités, par la création de valeur. Cette intention s’est formalisée dans une plate-forme pédagogique de bonne qualité, appréciée de ses utilisateurs, car elle est structurante et qualifiante.
En France, les pouvoirs publics, mais aussi la grande communauté des entrepreneurs et dirigeants d’entreprises, petites et grandes, sont conscients de la nécessité de sortir du simple constat que certains habitants de notre pays ont moins de chance de parvenir à créer leur activité en raison de divers facteurs bloquants, plafonds de verre, incompréhension avec les acteurs du développement économique, et autres faits de discrimination à raison du fait que le porteur de projet n’a pas le bon nom ni la bonne adresse.
C’est dans ce contexte assez “favorable” à une mise en oeuvre expérimentale en Seine Saint Denis, (Aubervilliers), que nous avons décidé en 2013, de tenter une première session de formation avec la plateforme Yump France.
Nous avons également mis en place un suivi par l’intégration dans un réseau constitué de nos partenaires publics et privés, – par les participants à Yump eux-mêmes -, et par les indispensables acteurs locaux, établis dans les quartiers et dont les métiers sont nécessaires à l’accomplissement d’un suivi efficace.
Nos partenaires naturels sont les couveuses, pépinières, dispositifs de prêts, – micro-crédits, prêts d’honneur -, et désormais les sites de financement participatif qui font une entrée très positive dans l’écosystème constitué par les “acteurs de terrain” dans les quartiers.
- Pouvez-vous vous présenter l’équipe ?
La mise en oeuvre de ce projet en Ile de France a été rendue possible par la constitution d’une équipe formée autour des trois fondateurs – Tomas Fellbom, Alexander Keiller moi-même.
L’équipe est aujourd’hui composée de Anna Geist en charge de l’organisation générale et du suivi opérationnel de “l’académie”, laquelle est subdivisée par zones géographique dont s’occupent Monia Laoufi (Paris Sud et Sud Est, 91, 94), Hawa Drame (Paris Nord, 93) et Habiba Addi (Marseille Paca). Ugo Bendeks responsable de la communication digitale et du “community management” et Steven Bertal, assistant de direction et chef de projets complètent un ‘team’ encore maigre au regard de la rapidité avec laquelle Yump se développe.
- Quel est votre business model ?
Yump France est une formation gratuite. L’association est financée en grande partie par la Caisse des Dépôts, par la région IdF (via l’ERP – Ecole Régionale des Projets) et par le CGET. Nous recevons également des fonds de LCL et Altran et une large contribution matérialisée par une contribution en matériel et en licences par Microsoft, et par de nombreuses heures de temps/homme valorisées dans notre budget, au titre du mécénat de compétence – Eurogroup Consulting, met à disposition 15 consultants pendant six mois.
Nous sommes en quête d’une solution qui permettrait à nos entreprises partenaires de financer via leurs contributions aux taxes (TA – Taxe d’Apprentissage et TP- Taxe Professionnelle) l’essentiel du fonctionnement de Yump France.
A terme, Yump pourrait intervenir dans le capital de certaines des entreprises créées par des Yumpers afin de faciliter le développement et le franchissement de barrières notoirement difficiles à passer pour les habitants des quartiers “politique de la ville”, comme les fonds d’amorçage.
En effet Yump France s’adressant prioritairement – mais pas exclusivement -, aux Publics “QPV” Quartiers Politique de la Ville -, les participants à l’académie sont de ceux qui ont le plus de difficultés à la mise en œuvre d’une activité entrepreneuriale, notamment en raison du manque de soutien financier par l’entourage, même si, en général, la communauté des parents, voisins et amis sont très positivement impactés par l’initiative du porteur de projet issu de leur quartier: de l’empathie mais pas de moyens financiers, et pas de réseau pour compenser.
- Pouvez-vous nous donner quelques chiffres (Statistiques, nombre de ventes, progression…) sur Yump ?
Yump en 2013, intègre 21 Yumpers issus des premières sélections. En 2014, 15, parmi les 21 premiers Yumpers parachèvent l’intégralité du cursus et 9 créent leur activité.
En décembre 2014, une première rentrée sur les 3 sites franciliens (91, 93 et 94) intègre 40 Yumpers et une deuxième rentrée en mars 2015 en admet 75. En avril 2015, une sélection à Marseille devrait assurer la constitution d’une promotion de 30 ou 40 Yumpers de la région Paca.
Yump se développe à un rythme très élevé, son attractivité par la gratuité, la faible durée (6 mois) de la formation et l’efficacité de sa pédagogie basée sur le “learning by doing” et l’intelligence collective, sont les clés de l’engouement que la proposition suscite.
Une importante marge de manoeuvre existe cependant, car Yump devrait pouvoir diplômer, dépendre en majorité de financements privés et se positionner comme une porte d’entrée nécessaire vers les autres dispositifs dont l’utilité est située plus en aval. Nous considérons qu’il est infiniment plus efficace d’adresser à des dispositifs qui prêtent ou intègrent en couveuses, des porteurs de projet formés.
- Pouvez-vous nous raconter une journée chez type chez Yump ?
La “journée type”, chez Yump est une demi-journée. Elle consiste pour les Yumpers a ‘pitcher‘ leur projet devant d’autres Yumpers de leur groupe, sous la direction d’un coach professionnel. C’est le coeur de ce que l’on appelle “l’intelligence collective”. Tous s’intéressent à chacun et chacune, la manière dont évolue le projet des autres étant un formidable indicateur pour celui de chacun.
Des discussions ont lieu entre le coach et les yumpers qui présentent leur projet. Cette présentation est ce qui résulte de l’accomplissement d’une mission, laquelle est contenue dans le programme de e-learning servant de base à la pédagogie.
Des séances de “lean-start-up” dirigées par Alexander Keiller, permettent de valider l’acquisition des savoirs, de vérifier la pertinence des actions produites par les Yumpers, notamment sur leur connaissance du marché auquel ils vont adresser leur produit et tout ce qui aide au passage de la théorie à la pratique.
Certaines de ces demi-journées sont consacrées à des résidences ou des immersions dans les services des entreprises partenaires où sont dispensés des conférences et des master-classes par des cadres experts sur les sujets intéressant les métiers de l’entreprise : chez Altran il sera question de la nécessité d’introduire la notion d’innovation dans le modèle d’affaire, chez LCL on parlera de financement de l’entreprise par la banque etc..
La ligne de front dans le champ du développement économique des quartiers est constituée par les organismes de formation : CNAM, BGE, ADIE, Yump France qui constituent une force de frappe importante pour valoriser les porteur de projet et les projets et leur permettre de prospérer au long du parcours au terme duquel ils créerons enfin leur activité.
- Sur quelle plateforme a été conçue Yump ?
La plateforme Yump a été entièrement élaborée en interne.
- Quels sont vos concurrents et en quoi vous différenciez vous ?
Nos concurrents sont les dispositifs de formation adressant leur programme aux habitants des quartiers QPV (Politique de la Ville). Pour autant, nous ne considérons pas le CNAM, BJE ou Créa-jeunes comme des concurrents, mais plutôt comme des dispositifs “concourants” dans la mesure où ils contribuent comme Yump, au développement économique des quartiers.
Par ailleurs, ces dispositifs, sont tous très différents dans leur approche ce qui rend leur cohabitation dans le champ du développement économique des quartiers très positive. C’est en effet un atout important de proposer aux personnes qui en ont besoin des formations qui n’ont pas la même durée, la même fréquence, dont les contenus sont plus ou moins théoriques, etc.
La diversité de l’offre est une richesse incontestable qu’il faut promouvoir.
- Quelle est votre stratégie de marketing/communication ?
Il est assez compliqué de s’adresser aux porteurs de projet issus des quartiers populaires dans lesquels ils sont assignés, sans assigner l’action elle-même, et ainsi en affaiblir l’efficacité. C’est la raison pour laquelle nous nous adressons à tous les habitants des quartiers populaires, c’est à dire des zones péri-urbaines, sans discrimination aucune. Les candidats de Yump ne sont discriminés ni par leur sexe, ni par leur âge, ni par leurs diplômes ou leur expérience professionnelle. Les jurys ne regardent que la qualité et le potentiel d’entrepreneur du porteur et le projet. Rien d’autre.
Bien entendu le cœur de cible de Yump reste les porteurs de projet issus des quartiers désignés par l’arrêté du 31 décembre 2014, mais nous considérons que la mixité sociale, générationnelle et territoriale est un vecteur d’efficacité aussi avons-nous décidé d’élargir le “cône d’impact” de notre communication à l’ensemble des habitants de l’Ile de France tous territoires confondus.
C’est principalement dans les salons spécialisés “Le Salon du Travail et de la Mobilité” – à la Grande Halle de la Villette – et le “Salon des entrepreneurs” qui se tient au Palais des Congrès que nous recrutons les candidats, mais aussi par des partenariats avec NQT (Nos Quartiers ont des Talents) qui nous a ouvert un accès privilégié à ses adhérents dont certains ont intégré, après sélection, la promotion de décembre 2014 (Estée Lauder).
Yump, c’est des slogans “jeveuxmontermaboite.com” (qui a été très largement porté par la première campagne que nous avons menée en Seine Saint Denis en 2013) et “Entreprendre c’est déjà réussir”, un travail au long cours avec la presse dont s’occupent brillamment Sandra Pacheco et Cécile Nony (RP Presse), des contributions nombreuses à des conférences, tribunes et autres tables rondes.
Yump est présent partout où c’est nécessaire, car la sensibilisation est une clé de la détection, laquelle est un passage obligé pour des sélections de qualité. Cette chaîne : sensibilisation, détection, sélection, est absolument stratégique, notamment en raison du faible budget que nous consacrons à la communication.
- Comment intégrez-vous les réseaux sociaux dans votre stratégie, quels rôles jouent-ils ?
Les réseaux sociaux sont au coeur du dispositif de communication. C’est la clé de voute du système qui scelle les deux pans de notre communication : ils sont largement utilisés pour la circulation de l’information entre les Yumpers, les coaches et la direction. Par ailleurs, Twitter est également largement utilisé dans toutes les circonstances événementielles : sélections, jurys intermédiaires, formations nomades etc.. Enfin, le site www.jeveuxmontermaboite.com est constamment incrémenté d’images et de textes. L’ensemble est piloté par Ugo Bendeks.
- Quels sont vos besoins actuellement (recrutement, communication, financier, …) ?
Nous sommes actuellement dans une phase cruciale, car l’académie pilote – 2013/2014 à Aubervilliers -, nous ayant convaincus de l’efficacité de notre proposition, nous avons mis l’accent sur le recrutement de candidats avec un succès un peu inattendu. Aujourd’hui nous couvrons cependant seulement une partie du territoire de la région IdF et y avons une large marge de progression.
L’équipe doit s’agrandir au même rythme que l’augmentation du nombre de Yumpers. Nous sommes partis pour 2015 sur une hypothèse de 90 bénéficiaires et en avons actuellement plus de 100 en IdF et 50 de plus d’ici la fin de l’année sans compter les 30 ou 40 Yumpers qui seront sélectionnés pour intégrer le site Yump de Marseille dont la rentrée est prévue en avril 2015.
Il faut impérativement que nous trouvions rapidement les moyens de faire face à cette croissance de l’activité.
- Selon vous, quelles sont les clés du succès ?
Mixité, intelligence collective, mutualisation des moyens (coopération avec les dispositifs de terrain), et efficacité de la pédagogie sont des clés mais ce ne sont pas les seules. Lorsque nous pourrons enfin faire droit aux requêtes de nos partenaires privés qui souhaiteraient pouvoir nous faire bénéficier de leurs contributions obligatoires à la TA par exemple, nous serons sur la voie d’un large succès dans toute la France, car nous aurons les moyens de notre action dans tous ses aspects, de la formation des entrepreneurs issus des quartiers populaires au suivi, voire au financement de projets. Nous devons aussi nous rapprocher de grands partenaires prescripteurs comme Pôle Emploi pour assurer une présentation large de notre offre aux bénéficiaires potentiels.
- Quels sont vos objectifs pour cette année ? Et pour dans 3 ans ?
2015 est l’année de la stabilisation et de la sécurisation pérenne des financements de Yump, de l’identification de l’ensemble des acteurs avec lesquels il faut construire un environnement qui participe au succès des parcours – couveuses, pépinières, financeurs, espaces de co-working etc.., -, et la consolidation de la tête de réseau par le recrutement de nouveaux collaborateurs. Nous envisageons de former plus de 300 porteurs de projet en 2016 et 1000 en 2018.
- Une petite phrase “historique” pour la fin ?
Nous avons décidé de désigner les promotions par le nom de grandes entrepreneures et entrepreneurs du monde, et, pour celle qui est rentrée le 2 mars 2015 nous avons choisi Thomas Edison a qui je laisse le soin de donner sa contribution pour une “phrase historique” : “Beaucoup de gens échouent car ils ne se rendent pas compte à quel point ils étaient près du succès quand ils ont abandonné”. Chez Yump, nous valorisons la pugnacité et l’endurance au mal, la persévérance et l’obstination le sens – voire le goût – du risque, dans l’estime de soi et la foi dans son projet.