Près d une entreprise sur deux n a pas de plan en cas de buzz négatif affectant ses marques ou sa réputation, selon une étude Freshfields. En matière de buzz, l’année 2013 aura une nouvelle fois rappelé la puissance du client connecté. C’est désormais une réputation qui se joue en une publication.
Les bad buzz de l’année qui s’achève démontrent l’importance d’une réaction rapide et adaptée des marques à leur environnement digital.
C’est d’un véritable réarmement digital dont les entreprises françaises ont besoin pour vaincre les bad buzz qui se multiplient encore trop souvent à leur détriment. Analyser les causes d’un bon ou d’un bad buzz permet dès lors de tirer les bonnes pratiques en la matière.
Les 5 bad buzz qui ont marqué l’année 2013
1. Twittos exaspérés : « La légende de Shalimar »
C’est tout simplement le bad buzz le plus cher de l’histoire d’internet (plus de 11 500 euros la seconde !). Il constitue un fail de la société Quad Productions au détriment de la maison Guerlain décidemment fâchée avec le monde des Internets.
Le court-métrage publicitaire de Guerlain est intitulé « La légende de Shalimar ».
Largement diffusé en septembre dans les salles de cinéma de France, le spot réalisé par Bruno Aveillan a subi une déferlante de critiques acerbes sur les réseaux sociaux.
Scénario incohérent, trop long et rempli de clichés, musique entêtante, réalisation grotesque voire vulgaire et même accusation de sexisme, … les internautes ont massivement affiché leur rejet de ce court-métrage publicitaire jusqu’à le considérer comme une véritable pollution. Autant de règles pour faire un bad buzz sur Internet.
La maison Guerlain semble décidemment mal conseillée. Après être devenu un cas pratique de contre-exemple de la gestion de crise, elle est en phase de devenir le contre-exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire en matière de court-métrage publicitaire à l’heure où la production d’un contenu inédit et de qualité est pourtant devenu un enjeu majeur pour les marques. Il était toutefois évident qu’à l’heure du succès des mini-clips et des séries courtes mais puissantes comme Bref, Pendant ce temps ou Connasse diffusées par Canal+, un contenu aussi long était inadapté.
2. Facebook réagit : la Caisse d’épargne contrainte de présenter ses excuses pour la photo d’un écureuil en mauvaise posture
Alors que les banques ont été parmi les dernières entreprises du monde connecté à intégrer les réseaux sociaux dans leur communication, la Caisse d’épargne a voulu tenter un « coup » décalé. C’est raté et suffisamment choquant pour être nuisible à la marque.
Publiant une photo d’un écureuil en mauvais posture, coincé par les testicules, associé au slogan « Parce que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres, la GAV (Garantie des accidents de la vie) de la Caisse d’épargne prend aussi en charge les séquelles temporaires… », la Caisse d’Epargne a réussi à faire naitre un bad buzz.
La banque aura pris le risque d’ériger le mauvais goût en tactique opportuniste au lieu d’intégrer efficacement les réseaux sociaux dans sa stratégie de communication.
3. Twitter indigné, Facebook appelle au Boycott : Barilla se démarque tardivement des propos homophobes de son dirigeant
C’est le bad buzz le plus nocif de l’année. Malgré tous les efforts déployés par la marque pour protéger son image sur le net, les propos de son fondateur touchent à l’essentiel, au coeur même d’une communication contemporaine : les valeurs.
“Je ne ferais jamais un spot avec une famille homosexuelle, pas par manque de respect mais parce que je ne suis pas d’accord avec eux. Notre famille est de type traditionnel”, a cru bon de déclarer fin septembre le président du groupe éponyme, Guido Barilla, lors d’une émission de radio, provoquant une polémique et un début de boycottage international par les internautes indignés.
M. Barilla avait présenté ses excuses manifestement insincères, le tout surjoué sur la page facebook de la marque. Il avait alors regretté que ses déclarations aient “généré des malentendus ou des polémiques” et précisé qu’il avait voulu “seulement souligner le rôle central de la femme à l’intérieur de la famille” alors que les social consommateurs attendaient une prise de position ferme de la marque elle-même.
La marque finira par être contrainte de prendre ses distances, de se désolidariser des propos de son dirigeant et même de les condamner. C’était attendu. C’est trop tard pour être une réponse efficace et à la hauteur de la crise que traverse la marque. Elle ne réussira pas à mettre en place la forteresse digitale fondée autour de valeurs fortes, d’une éthique solide et responsable qui aurait dû être prévue dans un plan de riposte digitale à la crise, même en annonçant un comité très orienté RSE.
Cette communication de crise maladroite de Barilla a ouvert une opportunité importante de communication pour ses concurrents qui l’ont immédiatement saisie en communiquant sur leur conception ouverte de la famille. Ainsi Buitoni a immédiatement publié : “Chez nous, il y a de la place pour tout le monde.” et Garofalo “Les seules familles qui n’achètent pas notre marque sont celles qui n’aiment pas les pâtes.”.
Contre-exemple parfait à cet épisode Barilla, celui de la marque américaine de vêtements Gap qui a mis à profit Twitter, à raison, pour soutenir le mannequin sikh Waris Ahluwalia, égérie de sa dernière campagne et victime d’insultes racistes. Gap a su ici tirer les leçons de la crise traversée il y a quelques années déjà à propos du lancement raté de son logo.
4. L’affaire Findus : du pur cheval pour du prétendu boeuf.
L’entreprise Spanghero de Castelnaudary est alors accusée d’avoir trompé ses clients en revendant sciemment de la viande de cheval pour du boeuf. Cette viande ayant ensuite servi à la préparation de millions de plats cuisinés pour des marques comme Findus.
Alors que l’affaire effraie les social consommateurs, les responsables de la marque, dépassés par les enjeux, paniquent. Findus va alors payer tout à la fois son absence du web et son amateurisme dans la séquence post-crise où elle tentera d’une manière ridiculement désuet de nettoyer sa réputation digitale.
Dès l’annonce de la présence de viande de cheval dans les produits Findus, une séquence digitale de désinformation naît, notamment à travers de vrais-faux comptes twitter à l’effigie de la marque, demeurée silencieuse.
Totalement absente des réseaux sociaux, Findus a permis à d’autres acteurs de prendre la parole à sa place pour parler d’elle. La marque a semblé découvrir qu’en gestion de crise sur internet, les médias sociaux constituent un outil crucial en ce qu’ils offrent l’opportunité de délivrer un message de façon particulièrement efficace s’il est travaillé et adapté.
5. Vous avez demandé la Police Nationale, ne quittez pas : elle twitte !
En plein mois d’août 2013, le community manager de la Police nationale a twitté son score au jeu de plates-formes Banana Kong sur le fil officiel de l’institution.
Banana Kong est un jeu pour iPhone, permettant à l’utilisateur de mettre en ligne son score sur ses réseaux sociaux. Un manquement évident aux règles de prudence les plus élémentaires de gestion professionnelle d’un compte auquel s’ajoute une erreur de manipulation qui fait donc tache.
Les twittos n’ont évidemment pas manqué de tourner en dérision l’action de l’institution à partir de ce tweet déplacé.
La publication le lendemain d’une offre de Community Manager par la Direction Générale de la Police Nationale sur le site de Pôle Emploi fera définitivement naitre une crise digitale au détriment de l’image de l’institution en laissant penser que l’auteur du tweet avait été licencié.
La Police Nationale n’était d’ailleurs manifestement pas prête pour réagir à cette crise puisqu’il a fallu attendre qu’un média la contacte pour qu’elle daigne offrir des éléments de réponse. On croyait pourtant ce schéma dépassé (il y a une crise, la marque attend les appels pour ré-insister sur ses éléments de langage préalablement diffusés par communiqué de presse aux journalistes). Ce manque de pro-activité digitale est particulièrement regrettable pour une institution aussi exposée qu’elle sur les réseaux sociaux.
Les 5 buzz qui ont marqué l’année 2013
L’année 2013 a aussi été marquée par des buzz positifs profitables pour les marques qui auront su exploiter les codes des réseaux sociaux pour communiquer habilement. C’est l’occasion de rappeler que créer le buzz ne se décrète pas. S’il est incontestable qu’il peut ruiner une réputation, le buzz peut aussi constituer une véritable opportunité de visibilité digitale en suscitant une diffusion virale considérable permettant de réduire le budget d’achat d’espace publicitaire traditionnel. L’audience de ces buzz considérés comme réussis par les internautes va permettre à la marque de se construire une bonne réputation, de la renforcer ou de fidéliser une communauté.
1. La fin des blagues Carambar: un canular du fabricant pour faire du buzz
C’est finalement sur son site internet corporate que la marque Carambar a annoncé qu’elle continuait à publier des blagues sur les papiers de ses célèbres confiseries.
Une farce bien orchestrée qui a fait naître un buzz réussi mais qui a avant tout permis aux consommateurs de s’engager sur les réseaux sociaux de la marque pour rappeler son attachement au produit notamment à travers des pétitions appelant au maintien des blagues.
2. Serge le lama : l’image d’un kidnapping qui aura marqué l’année digitale
Ce buzz est né de l’épique sortie dans le tramway de Bordeaux d’un lama. Serge le lama a vite attiré l’attention des internautes et des marques en veille. L’histoire de ce Lama a suscité plusieurs dizaines de milliers de tweets et de posts sur Facebook.
Les premières photos de l’animal de cirque kidnappé par cinq jeunes alcoolisés en quête de sensations nocturnes, pour une promenade bordelaise ont massivement été relayées et détournées par les community managers toujours à l’affut de l’opportunité « trend » du moment pour faire parler d’eux.
Un site de location proposera même l’animal à un demi-millier d’euros la journée dans la région d’Angers.
3. Les drôles de drones d’Amazon pour livrer ses colis détournés.
C’est le buzz qui aura fait le plus de bruit médiatique.
Des colis livrés en une demi-heure sur le pas de votre porte par un petit drone. C’est la promesse formulée par Amazon.
La vidéo de démonstration postée sur le site Internet de l’entreprise montrant de petits drones transportant dans les airs des colis, depuis les entrepôts jusqu’aux clients ayant passé commande 30 minutes auparavant sur le site internet de la marque aura massivement été publiée par les internautes et relayée par les médias traditionnels.
Jaloux de ce joli buzz digital qui fait rêver chaque consommateur caché en l’internaute, le patron de Vente-privée.com, Jacques-Antoine Granjon, ironisera sur le coup de communication d’Amazon en annonçant la future livraison de colis par drones dans une vidéo.
L’annonce de ce service sera également l’objet d’un détournement par la marque Groupon, un autre pure player, qui se moquera du projet d’Amazon dans un petit film diffusé sur le site d’achats groupés tentant un « LOL » avec un projet révolutionnaire : la livraison de colis à domicile par… catapulte.
4. La campagne publique sur les troubles de l’élection à Dijon
« Troubles de l’élection ? Ça se soigne… ». Voilà la formule du message de la campagne décalée mais réussie à Dijon. C’est tout ce que n’aura pas réussi la Caisse d’épargne avec sa publication de mauvais goût.
Pour inciter ses administrés à s’inscrire sur les listes électorales, la Ville de Dijon a tenté l’humour, l’un des ingrédients les plus efficaces pour que les internautes s’engagent (le partagent) sur le contenu d’une marque.
La recette de l’affiche est simple : une formule, une consigne « pour voter en 2014, je m’inscris en 2013 » et un logo d’une main au pouce bien tendu, pour la ressemblance spontanée avec un spot de promotion de médicaments contre l’impuissance.
5. Le WIN de l’année : un community manager drôlement efficace à la FNAC.
Début septembre, un troll interpelle l’enseigne sur Twitter, pour résoudre un prétendu problème technique.
Celui-ci voulait savoir comment faire entrer un « blu-raie » dans son lecteur. Car oui, schéma à l’appui, le twittonaute indique en fait qu’il ne parvient pas à insérer dans ce lecteur une raie bleue.
A cette question piège posée à la marque, le community manager de la Fnac rentrant dans son jeu propose une réponse à la hauteur de la question en publiant un message simple « ci-joint notre mode d’emploi ! Bon domac » tout en relayant un dessin baptisé « Comment utiliser un Blu-Rai » reprenant alors la faute d’orthographe du tweet initial comme autant d’ironie prenant à son propre jeu le troll.
La réponse unanimement saluée par les internautes a été érigée en un modèle de community management pour les CM de la France digitale. Court, drôle, percutant et en cohérence avec la marque, ce contenu réunit tous les ingrédients de la sauce buzz. Savoir « buzzer » sur les réseaux sociaux n’est évidemment pas simple et ne s’anticipe quasiment pas mais c’est possible en maniant l’humour pour susciter le partage. C’est ce que ce récit vient nous rappeler. Et c’est bon.
Article rédigé par Florian SILNICKI, Expert en stratégies d’informations, gestion de la réputation et de crises digitales